Remise des insignes de Chevaleresse des Arts et des Lettres

Le 26 novembre 2021, Camille Morineau, historienne de l’art et présidente d’AWARE, a remis à Marie Docher les insignes de Chevaleresse des Arts et des Lettres.

Voici retranscris les deux discours qui ont été prononcés.

Camille Morineau

Bonsoir à toutes et à tous, 

Lorsque nous avons échangé avec Marie pour organiser cette soirée, elle a eu la gentillesse de m’enregistrer une biographie, parlée, que je vais respecter. Je m’attendais à faire un truc assez classique, avec les études, et elle m’a dit ­-« Les études, il ne faut pas en parler parce que ça ne m’a pas intéressée »- parce que très jeune tu voulais déjà t’engager dans des mouvements humanitaires et être photographe. Tu m’as dit que ton père faisait de la photo familiale, que tu étais un peu baignée dans de la photographie. A l’époque, il n’y avait pas Arles*, il y avait des écoles techniques, tu avais un bac littéraire et à Clermont-Ferrand on ne parlait pas beaucoup de photographie. 

Je me suis un peu renseignée auprès des personnes que tu m’as indiquées et je vais citer une de tes amies qui m’a dit : « On a fait Sup de Co ensemble ». Tu faisais toujours des fêtes chez toi. Table ouverte, super sympa, sens de la fête, très chaleureuse. « Marie est un grand cœur, à la fois simple et brillante, abordable, avec un franc-parler soi-disant d’Auvergne, ce qui veut dire que tu peux parler à tout le monde y compris, des vaches. » Très utile dans l’art contemporain. Avec l’expo Rosa Bonheur, attention, ça pourrait être très utile. « Marie a la capacité à se mettre à la portée des gens et une grande intelligence émotionnelle. » Ça, je confirme. « Elle est solaire mais il n’est pas important de briller pour dominer ». Je trouve que c’est une définition géniale de toi, qui émane de ton amie. C’est elle qui l’a dit. 

Donc, à l’époque, parce qu’on a vécu Marie et moi un petit peu la même chose, la question du genre dans l’art n’existait pas en France donc nous avons avancé toutes les deux dans un monde différent de celui d’aujourd’hui avec des contraintes spécifiques qui étaient très présentes. 

Dans ton école, tu parles du labo photo comme de ta principale activité. Tu dis avoir toujours essayé d’être proche de la photographie. Tu as une première vie de femme d’entreprise, tu travailles dans des agences de design, tu as ta propre agence. Tu travailles alors principalement avec des hommes jusqu’à ce que tu rencontres une femme, Isabelle Rozenbaum, photographe et plasticienne, qui était en train de créer une banque d’image et t’encourage à renouer avec ta passion. On est en 1994.

Ce n’est pas une surprise pour moi, historienne des femmes dans l’art, que ce retard d’une femme, Marie Docher, à réaliser ce qu’elle a vraiment envie de faire. 

Je passe à ton nom de famille et à la troisième personne car tu deviens alors artiste et c’est sous ce nom que je te rends hommage aujourd’hui au nom du Ministère de la Culture car non contente de devenir artiste, et c’est important car c’est une double vie – et nous partageons aussi cela, cette difficulté qui demande de l’organisation et de la ténacité – tu vas aussi devenir militante car « elle sent des choses qui ne vont pas ». J’aime bien cette expression. 

Donc elle voit l’exposition elles@centrepompidou qui « allume une lampe » On est en 2009/10. Tout en continuant son travail de photographe, Marie Docher crée un mode de militantisme tout à fait unique en créant le blog Atlantes & Cariatides en 2014 qui interpelle les institutions. Elle explique que ce serait inaudible de le faire du point de vue d’une femme et elle prend l’identité d’un homme, Vincent David. Elle devient célèbre au titre de cet homme. Elle raconte que dans les vernissages on discute beaucoup de cet homme féministe qu’on trouve formidable. 

Alors pourquoi 2014 ? Parce qu’une exposition à la Maison Européenne de la Photographie qui ne montrait que des hommes l’alerte et l’agace et elle décide de compter. Les chiffres sont catastrophiques. Elle décide de montrer le problème avec des chiffres, d’interpeller les responsables de la photographie et de partager des études notamment en partageant des textes de Linda Nochlin pour insérer cette pensée de l’impact du genre sur et dans la photographie. Ce qui est extraordinaire, drôle aussi, selon les points de vue c’est que Marie, telle Georges Sand, fait tout ça avec une identité d’homme. Mais Marie parle d’un changement fondamental avec la modestie féminine si problématique et dit avoir pensé jusque-là qu’elle n’était pas quelqu’un d’intelligent mais que lorsqu’elle est devenue un homme, tout le monde trouvait qu’elle l’était. Ce que tu appelles de l’empowerment. 

Donc nos vies se croisent car la même année en 2014, je crée cette association AWARE et je trouve assez intéressant qu’on soit dans cette espèce de création parallèle, au même moment. Nous décidons donc de mener une sorte de guerre sur notre terrain, toi sur la photographie et moi sur l’art du XXème siècle avec des outils assez similaires et de se battre. Tu rentres en contact avec des gens importants comme Marie Robert, ici, ma collègue qui fait une immense exposition essentielle en 2015/2016 : « Qui a peu des femmes photographes ? » Quelques étapes clefs : une lettre ouverte à Sam Stourdze** qui va progressivement pousser le festival et d’autres à intégrer plus d’artistes femmes alors que c’était jusqu’ici un entre soi d’hommes. La seule édition du festival confié à une femme était celle de Nan Goldin en 2009. Avant que Marie Docher s’y intéresse, le festival d’Arles présentait plutôt moins de 20% de femmes. Il a fallu de la ténacité, de la patience jusqu’à une lettre ouverte dans Libération le 4 septembre 2018 pour que Marie Docher soit entendue. Elle crée*** à cette époque le collectif LaPartDesFemmes engagé en faveur de la visibilité et de la reconnaissance des femmes photographes qui produit des outils critiques, qui démontre par des articles que la notion de talent est genrée et qui fait du « carottage » de l’actualité : Marie Docher, avec le collectif, regarde la presse et compte qui fait les photographies. Avant le confinement on tournait à peu près à 18% de femmes, l’année d’après, 8%. Marie explique dans un interview : « cela signifie que nous voyons le monde à travers un regard d’homme, principalement occidentaux, comme si on avait une petite lorgnette qui invisibilise beaucoup de gens ou porte sur eux un regard spécifique. Il en va de même dans l’art. » Marie Docher mène des débats sur les réseaux sociaux, de longues discussions. 

Elle s’adresse à des sociologues et forge un outil : « Visuelles.art, ce que le genre fait à l’art ». Je suis la première interviewée. En 2018 les choses s’accélèrent. Agnès Saal arrive au Ministère de la Culture, haute fonctionnaire à l’égalité et à la diversité. Le ministère demande à Marie de mettre à jour les chiffres produits en 2014 avec plus de moyens. 

Ta candidature à l’Académie des Beaux-Arts section photographie en 2021 a un impact énorme. Je rappelle qu’elle fait une sorte de performance intitulée « ceci n’est pas un nu » accompagnée d’un texte de Rosa Baum.

Tu travailles en 2021 avec les co-directrices du magazine La Déferlante pour penser le portrait de presse de façon féministe. Tu participes au Parlement de la photographie organisé par le bureau de la photo dirigé alors Marion Hislen. 

Beaucoup de réalisation pour Marie qui crée des outils qui permettent à des gens de comprendre qu’il y a donc un problème et qu’on a la possibilité aussi de le changer et, pour les femmes photographes, de comprendre que le problème ne vient pas d’elles mais qu’il est systémique. Marie Docher avertit toutes ses artistes femmes mais va plus loin dans des interventions, ses prises de paroles. Sa position est de montrer, et c’est ainsi que nous nous rejoignons toutes les deux, que le parcours des artistes est un parcours de travail dans une société où la part du genre et de l’origine sociale et ethnique compte. 

Au-delà des outils, de la formation créée et partagé, le génie de Marie Docher est de savoir faire du réseau institutionnel parce que comme Marie Buscatto**** le dit : « Rien ne bouge dans les mondes de l’art sans volonté politique. » Marie fait des liens et les mets publiquement en jeu et j’ai connu quant à moi – et je deviens un peu plus personnelle – la même personne que ton amie de jeunesse décrit : une femme très engagée, qui semble-t-il l’a toujours été, une femme de parole quelle que soit la cause, une femme de devoir et une femme de cœur. Marie Docher ne lâche pas. Je l’ai connue à mes côtés dans une tempête, dans des moments très durs, et je peux en témoigner personnellement. Elle ne supporte pas l’injustice, elle prend fait et cause avec courage, avec parfois de la fatigue et je citerai ce qu’elle a raconté à une amie collègue militante : « Derrière chaque homme qui prend conscience, il y a une féministe épuisée ». Intelligence des lettres et du cœur, intelligence émotionnelle, tout ceci te vaut cette décoration de Chevaleresse des Arts et des Lettres, il faudrait rajouter « et du Coeur » mais je crois que tous ici nous le pensons. 

« On est surprises ? » Il parait que c’est une expression que tu utilises souvent lorsque vous, collectif, découvrez une énième programmation désespérante. On est surpris de cette décoration ? Non ! Non, nous sommes heureux, heureuses, soulagées et fières que ton travail soit reconnu. 

Tu t’es distingué de manière remarquable dans ce domaine artistique que tu as profondément transformé, tu fais rayonner les arts et en particulier les femmes, en France et dans le monde. Aussi, au nom du Ministère de la Culture, nous vous faisons chère Marie Docher, Chevaleresse de l’ordre des Arts et des Lettres. 

* ENSP ARLES
** alors directeur des Rencontres d’Arles
*** le collectif est né de discussions et n’a pas été l’initiative de MD. 
**** Marie Buscatto est sociologue du travail, du genre et des arts à Paris 1 Sorbonne.

Discours de Marie Docher. J’avais oublié avoir envoyé à Camille Morineau un enregistrement détaillé qui reprenait tout ce dont j’allais parler 😉 A l’oral, j’ai simplifié pour alléger le moment.

« Alors je suis née en 1963 dans les volcans d’Auvergne, …

Non, on ne va pas la jouer comme ça.

Je voulais vous dire : je suis un chantier. J’ai toujours eue cette sensation que mon corps, ma vie, ce que je pense, qui j’aime.. tout ça est un lieu où l’on procède à des travaux de façon permanente. 

Toutes et tous ici avez apporté à ce lieu des étais, des lampes de chantiers, de la tuyauterie, ajouté des pièces ou abattu des murs. La structure me parait par moment assez claire, solide, puis change, s’affaisse, et une autre pièce se construit.

Je veux parler ce soir d’une partie de ce chantier qui nous rassemble en évoquant des personnes qui y ont contribué et des moments importants 

Je sais depuis que je suis petite que je serai photographe. Il y avait des appareils photos à la maison et lorsque ma tante Nicole m’a offert un petit Kodak à l’âge de douze ans je me suis très clairement dit que ce serait mon outil d’écriture. 

Quand j’ai eu mon Bac littéraire, l’école de la photo d’Arles n’existait pas encore et il fallait un bac scientifique pour accéder aux écoles techniques. 

J’ai fait d’autres études, longues et fastidieuses parce que j’ai redoublé, parce que peu de matières m’intéressaient et la sensation d’être médiocre s’est insérée dans ma structure. Cette sensation est restée longtemps et il me faut régulièrement la contenir. Mais il y avait un laboratoire photo dans les locaux et j’ai allègrement séché les cours de gestion et de comptabilité, m’enfonçant encore plus dans l’échec mais développant mes films, faisant des tirages et rêvant d’une vie meilleure dans la lumière rouge du labo.

Je suis arrivée à Paris en septembre 1987. J’ai travaillé dans le secteur de la communication et de l’édition. J’ai donc fait travailler des photographes de studio, tous des hommes qui, me signalaient toujours que c’était un métier d’homme. On peine a comprendre pourquoi. 

En 1994, un coup de tonnerre a ébranlé tout l’édifice. J’ai rencontré une photographe de studio également artiste. Sa créativité par rapport à ce que je voyais jusqu’ici m’avait saisie. Elle photographiait son sommeil avec un film glissé dans une boite en carton. Cette photographe, c’est Isabelle Rozenbaum. Elle m’a demandé combien de temps je comptais garder ce que je faisais dans un tiroir, m’a donné deux pellicules d’ektas et m’a dit : vas y. J’y suis allée.

Je suis devenue photographe professionnelle quand le chantier, ma vie, s’effondrait de toute part, à près de 40 ans. C’est pas l’âge idéal pour commencer. C’est mon amie d’enfance Catherine Lottier qui m’a permis de rencontrer Anne Levy, qui m’a donné ma première commande pour Sciences et Vie puis Elisabeth Roman qui m’a fait travailler durant dix ans pour sciences et vie découvertes. Elles ont posé les bases d’une nouvelle pièce de ce chantier et savent à quel point je les en remercie. 

Mais quelque chose clochait. Je le sentais. Je ne savais pas nommer.

En 2012 j’ai rencontré la chercheuse Odile Fillod dont l’intelligence hors norme et l’exigence intellectuelle va bouleverser ma pensée. C’est elle qui m’ouvre les portes de la recherche et me fait lire les théoriciennes du féminisme. Ces outils vont me permettre de comprendre, de nommer ce qui « clochait ». Elle m’a donné la confiance et les outils intellectuels nécessaire pour pouvoir agir. C’est énorme.

En 2013 nous avons traversé l’épreuve du mariage pour tous. J’étais sidérée et saisie par mon aveuglement à ne pas avoir senti les signes de cette violence venir. Alors que faire, comment refaire un lien social ? Comment être de nouveau dans la société ? 

En janvier 2014, j’étais à un repas avec trois autres femmes photographe et j’ai dit qu’il n’y avait pas assez de femmes exposées à la Maison Européenne de la Photo. Elles m’ont dit que j’exagérais et lorsque je suis rentrée, j’ai ouvert un fichier Excel et j’ai commencé à compter les sex ratios : la MEP, Arles, tous les festivals, les éditions… et j’avais raison.

J’ai commencé à beaucoup lire des sociologues, des historiennes… : Fabienne Dumont, Marie Buscatto, Linda Nochlin, Abigaël Solomon Godeau, Elisabeth Lebovici, Catherine Gonnard, Véra Leon, Zoé Haller, Mathilde Provansal, Irène Jonas… ce sont des personnes qui comptent beaucoup car elles font reculer l’obscurité qui entoure les femmes.

Et puis il y a eu une semaine extraordinaire : la semaine du 6 avril 2014, une sorte d’alignement de planètes.

Je suis rentrée à La Barbe : nous nous immisçons dans des assemblées d’hommes de pouvoir puis mettons de fausses barbes pour les féliciter de conserver le pouvoir entre leurs mains viriles. C’est jouissif et transgressif à souhait même si ça peut être parfois violent. 

Ce même jour j’ai rencontré Oristelle Bonis qui fondé les éditions féministes iXe. Je lui ai donné un dossier avec des textes sur la façon dont j’avais vécu ce qui s’était passé durant le mariage pour tous. Un mois plus tard elle m’a écrit en me disant : je vais le publier. Ça a été un grand honneur. 

Et puis j’ai ouvert le blog Atlantes et Cariatide avec cette méthode : compter, diffuser les études et interpeller les responsables d’institutions, sous le nom de Vincent David. On me demande souvent qui est Vincent David. Vincent est le prénom de mon arrière grand père paternel et David le nom de ma grand-mère maternelle : Jeanne David.
Et donc, ce vincent david, mon dieu qu’il était intelligent, posé, cultivé, pas clivant du tout… J’ai fini par le prendre pour moi, y croire et mettre dans un placard ce sentiment de médiocrité. 

Les hommes ne se rendent pas compte d’une chose : depuis qu’ils sont petits ils voient des grands hommes, des grands sportifs, scientifiques, de grands scientifiques et sont inscrits dans une histoire, ce qui n’est pas le cas des femmes, et pourtant, elles font l’histoire elles aussi. 

En 2015, j’ai été invitée à l’inauguration d’une exposition au Musée d’Orsay : « Qui a peur des femmes photographes ? » 

Au fur et à mesure que j’avançais, j’avais un sentiment que je n’avais jamais ressenti. Et quand je suis arrivée au bout, il y avait Marie Robert, conservatrice en chef de la photo et du cinéma à Orsay, qui me dit : « alors, tu as aimé ? – Tu nous a rendues légitimes et c’est énorme de se retrouver dans l’histoire. »

En 2017 j’ai créé Visuelles.art : ce que le genre fait à l’art pour refaire ce parcours intellectuel, le filmer. Je l’ai fait avec Florent Barrallon, à l’époque stagiaire et Léa Troulard, une amie réalisatrice. J’ai filmé Marie Buscatto, Alain Quemin, Fabienne Dumont, Camille Morineau, Pascale Obolo, Céline Kopp, Julie Crenn, Etienne Bernard et Agnès Saal à qui je dois cette médaille. En mettant mon nom sur une liste, elle dit clairement son engagement pour l’égalité en disant haut  et fort que les féministes et militantes sont expertes et ont toute leur place dans la construction des réformes. Si, de loin, ces réformes peuvent paraitre lentes, de près le travail est immense. Les mentalités sont tellement dures à bouger dans la culture.

En 2018 il y a eu la création du collectif et notre lettre au directeur des Rencontres d’Arles.

Ce que nous avons fait en peu de temps, c’est de rendre obsolète la notion de talent. Oui, on nous disait : « nous, on expose que le talent. S’il n’y a pas de femmes, tirez-en les conclusions qui s’imposent ». Nous avons montré de façon étayée, avec rigueur, ce qui empêchait les carrières des femmes et montré les systèmes pour que les femmes s’en saisissent.

Nous avons créé des liens entre les photographes, la recherche, les instituions, en France et ailleurs. Nous les avons montré ces liens pour dire à celles et ceux qui s’opposent à notre légitime présence que nous sommes nombreuses, que nous sommes déterminées et qu’ils ne peuvent plus prétendre nous parler du ciel en en effaçant la moitié. Nous sommes la moitié du ciel. nous sommes bien plus.

Dire simplement que les femmes photographes doivent avoir leur place, dire simplement ça, déclenche de la haine, des discriminations. On nous oppose les pires idéologies masculinistes et meurtrières : féminazies, islamistes du féminisme. Marie Daesh, Polpot. Vous avez en têtes des images, le nombre de morts de ces idéologies ? Les féministes n’ont jamais tué personne. 

Nous disons simplement que nous prenons notre place. Et en faisant ça, ce sont des commandes qu’on n’aura pas, des contrats que ne sont pas renouvelés ou signés. Par des hommes et des femmes. C’est d’une bassesse 

Les femmes photographes sont elles si dangereuse ? Qui a peur des femmes photographes ? 

Les femmes du collectif se retrouvent dans un douloureux paradoxe qui est le suivant :  pour lutter contre l’invisibilisation des femmes il faut être une femme invisible. 

Le patriarcat est un système rend fou. Nous n’avons pas déclaré une guerre des sexes. Nous tentons d’y mettre fin. Cette reconnaissance, cette médaille est la leur. Elles sont intelligentes, drôles, puissantes et belles. Sans elles je ne suis rien. Applaudissez les tout de suite.

Quand on compte, quand on étudie les programmes, il y a plus que l’absence des femmes. Il y a celle de tous ces photographes qui en France, ont des origines dans les anciennes colonies. Une des grandes rencontres de ma vie, de cette aventure, c’est Yasmina Reggad. Elle m’a permis de comprendre comment s’articulaient ces luttes dans un dialogue constant.

Et les hommes dans tout ça ? Vous seriez surpris·es de savoir que j’échange presque quotidiennement avec des hommes photographes et que ça se passe très bien. 

Il faut parler de  Jean-Luc Monterosso qui a été le premier que j’ai interpellé de façon publique. Il m’a donné une tribune avec l’auditorium de la MEP. J’ai pu y faire plusieurs évènements. 

Je veux citer Alain Quemin et Etienne Bernard qui tous deux ont travaillé sur ces questions et que j’ai filmés. Ce dernier est assez touchant car il explique comment il a pris conscience des problèmes et changé sa façon de travailler. 

En 2018, Fannie Escoulen, alors commissaire d’exposition, nous a invité  à lire un manifeste pour la photographie à Paris Photo. Nous étions des photographes du monde entier sur la scène et l’évènement était retransmis en direct. Je commençais ainsi : « L’histoire de la photographie est souvent invoquée pour justifier notre absence des collections et des cimaises. Mais quelle histoire? »

Malik Nejmi, photographe, a tout de suite commenté : « Oui, quelle histoire ? Comment s’écrit l’Histoire ? ». Bruno Boudjelal est monté nous rejoindre et a dit : « Je fais partie de cette histoire ». Sadreddine Arezki, toi qui es en train de filmer ce soir et qui est capable de me citer des théoriciennes féministes matérialistes dans le texte, tu fais partie de cette histoire. En fait toutes ces histoires nous rassemblent et nous sommes bien plus, bien plus que la moitié du ciel.

Il y a un homme dont il faut parler , c’est Sam Stourdze, alors directeur des Rencontre d’Arles. C’est lui que nous allons interpeller en 2018. Il m’avait téléphoné à la fin de la semaine professionnelle en me disant qu’il fallait être patiente. On ne voit pas pourquoi nous devrions être plus patiente que nos confrères. La conversation était pénible et je lui ai dit : « Écoutez, il y a une chose à faire, c’est de décider que l’année prochaine, et les suivantes, vous exposerez autant de femmes que d’hommes. Vous pouvez le faire. Vous en avez le pouvoir. »

 Il a eu un peu de pression quand même car la lettre a été signée par plus de 500 personnalités de la photographie et que le ministère de la Culture a aussi poussé, mais l’année suivante, il y avait 50% de femmes et il a montré à grande échelle qu’un festival de classe internationale ne perdais rien en qualité ni en fréquentation lorsque femmes et hommes sont présentés de façon juste et égale. Donc ça, nous n’avons plus à le démontrer, c’est fait. 

Parler de ma famille serait trop difficile émotionnellement. j’ai déjà assez pleuré. Ce que m’a apporté ma famille dans ce chantier qui n’en finit pas, c’est le goût de faire société. Je vous remercie. 

Congratulons-nous. C’est un travail collectif. 

Merci à toutes et tous. « 

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